L'entonnoir du Mondial

Publié le 26 Juin 2013

L'entonnoir du Mondial Photo Robert Terzian

 

 

Malérous ! La cinquantaine qui n’a pas l’intention d’abdiquer, depuis un moment l’homme montre le chemin. Arrivé à la hauteur de l’avenue du Parc Borély, l’attroupement des joueurs de boules candidats aux premières parties du Mondial ne cesse de croitre dans une pagaille de bon aloi, lui arrache une nouvelle incantation : Malérous !


Ce qui revient à dire : Pauvre de nous ! Où avons-nous mis les pieds ? Que sont venus faire dans cette galère le fringant quinquagénaire et ses équipiers de circonstance, escortés de femmes et enfants ahuris ?


Depuis que l’on entend parler de La Marseillaise nous voulions voir. Et les épouses de reprendre en chœur  : "Nous on est venu pour voir les artistes… Il y a longtemps que l’idée de venir faire un tour à Marseille le jour du Mondial nous trottait dans la tête ".

Les voilà à pied d’œuvre, si l’on peut dire. Ces joueurs de boules ne sont pas des citadins. D’où viennent-ils ? Du pays où la vigne couvrait autrefois la majorité du territoire : l’Hérault et où l’on sait aussi jouer aux boules. Dans la région on n’a pas oublié qu’une équipe de l’endroit ne s’inclina que sur un coup du mauvais sort, un soir très tard, en quart de finale face à l’équipe reine de François Besse. Un bouchon frappé pour la gagne par Alcazar et qui ricoche le long du trottoir pour aller finir sa course dans les boules de Besse.

Ce soir là on n’a pas pleuré dans les chaumières parce qu’il n’y en n’avait pas, mais Henri Rouvier, si l’on insiste, en parle encore aujourd’hui avec un certain regret au fond de la gorge : Pécaïré (Peuchère) en plus qu’ils n’ont pas eu la chance avec eux, la galerie soutenait Besse. Je vous dis ça, mais je n’y étais pas. Je le sais parce qu’on en a tellement parlé à l’époque. Viticulteur sans doute, mais assez connaisseur du jeu de boules et de pétanque pour enchaîner : Et Jacques Durand, vous en avez entendu parler ? Un fameux tireur celui-là ! Il ne faisait que des carreaux.


Pourquoi il n’a pas fait carrière dans les boules ? Il menait des vignes, des arbres fruitiers, en fermage. Jacques Durand travaillait dix à douze heures par jour et le dimanche il jouait aux boules et gagnait tous les concours de la région.

Ce n’est pas comme celui que tout le monde appelait Mange mouche à cause qu’il avait toujours la bouche ouverte. On ne lui connaissait pas de patron. Il n’avait jamais travaillé. Chômeur professionnel, disait-on, à une époque où il n’y avait pas de chômage. Les maires de l’époque faisaient suspendre les prestations chômage pendant la durée des vendanges. Ils estimaient, non sans raison, que du moment que l’on faisait venir des Espagnols pour couper du raisin, autant prendre les rares chômeurs du coin. Il y en a un qui n’y est jamais allé, il préférait manger des cèbes pendant les vendanges. Mange mouche jouait un peu aux boules, mais toujours en tête à tête.

Il se débrouillait pour ne pas perdre, car il savait choisir ses adversaires. Un jour, l’un d’eux qui venait d’un village voisin l’a appelé Mangia Mosca, cela voulait toujours dire Mange mouche, mais le ton était un peu plus péjoratif. Alors, depuis, les gens ne l’appellent plus que par Mangia mosca. Vous savez ce qu’il répondait ? "vaï caga à la vigne". Ce qui éloignait des échanges académiques mais ne manquait pas de piquant...


Le meilleur joueur de Pétanque du coin, le plus titré c’est Simon Cortes. C’est à Canet, sur les rives du fleuve Hérault, qu’il s’est révélé. Champion du monde de pétanque avec la fameuse équipe Quintais, Suchaud, Lacroix. Un fameux tireur, ce Simon Cortes. Je l’ai connu lorsqu’il faisait ses gammes avec Christine Virebeyre et devint champion de France en doublette mixte. Un soir, de retour d’un concours, il était venu participer en toute simplicité à une Sardinade chez son ami Fabrice Gonzales à Saint-André-de-Sangonis et j’avais pu apprécier l’homme et le talent du joueur de boules.

 

Maintenant, il fait un peu le taxi à l’occasion du Mondial-La Marseillaise, souvent avec Henri Lacroix, pour le compte d’un producteur de foie gras qui rêve de gagner le plus grand concours du monde et ne regarde pas trop à la dépense. C’est son droit, après tout, et il n’est ni le premier ni le dernier dans ce cas. Il a déjà joué la finale, ce qui n’est pas rien, et perdu en demi-finale. Ce qui ne peut que correspondre à un certain talent.

 

 

 

 

 

 

Propos recueillis par Pierre Rouchet

Rédigé par Danielle Lalaurette

Publié dans #Infos Générales 2014

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