Publié le 26 Juin 2013
A l'autre bout du fil, le vent souffle. Il est 18 heures, en cette belle fin d'après-midi de juin. Romain Scultore est à la plage en famille du côté de la Ciotat. Il fut un temps, le boulot terminé, il serait sans doute parti taper trois boules avec des amis. Mais ce temps est révolu...
- Bonjour, Romain c'est pour évoquer votre jeunesse ?
- « Ma jeunesse ? Parce que ma vieillesse ne vaut plus rien, c'est ça », lâche, mi-sérieux, mi-amusé celui dont le timbre de voix n'est pas sans rappeler un certain Philippe Fragione, alias Akhenaton tête de proue du groupe de rap marseillais IAM ! Il faut dire que mine de rien, Romain Scultore n'a que 29 ans. Il fait pourtant déjà partie, à sa façon, de la légende de la pétanque et du Mondial la Marseillaise même si, lui, a surtout marqué celui des jeunes.Vainqueur en 1991 dans les allées de Borély à l'âge de sept ans, le pitchoune qui avait épaté la galerie, récidivera sept ans plus tard.
« J'en garde de très bons souvenirs, surtout de la première ». Débarqué avec les amis de son club de pétanque d'alors, tout s'était passé comme dans un rêve sur la route de ce premier sacre. « J'étais licencié à Aix. J'étais venu à la pétanque par l'intermédiaire de mon père. J'y jouais, ça m'a plu » poursuit-il, en reprenant le fil de l'histoire en toute simplicité. « J'ai été champion du monde en 1999, puis au fil du temps je m'en suis éloigné... Aujourd'hui, je n'y joue même presque plus ». La page semble en effet bien tournée. Désormais installé dans la vie où il est comptable de profession, papa d'une petite fille, il consacre le plus clair de son temps à sa famille.
Pourtant il ne raterait pour rien au monde son cher Mondial. Il sera d'ailleurs encore présent à Borély début juillet, avec des amis. « J'y reviens chaque année. Pour moi, il n'y a rien de plus beau que ce concours-là. Tout le monde peut jouer, le cadre est magnifique, c'est bien organisé...C'est la Marseillaise » scande-t-il avec son accent chantant.
Mais si Romain y revient régulièrement pour une partie d'amis ce n'est pas sans intérêt non plus... « On peut créer une surprise, comme perdre à la première, on ne sait jamais ». Son dernier fait de gloire à Borély n'est pas très vieux. En 2011, il est tombé en quart de finale, battu par les futurs finalistes. Sur sa route, il avait sorti, la triplette Quintais, Suchaud, Pécoul. Philippe Pécoul qui n'est autre que son patron. « C'est une partie de boules, on n'allait pas se disputer pour une partie de boules » reprend Romain Scultore, « les boules c'est secondaire ».
La page est tournée on vous le dit ! « La pétanque a changé » explique Romain Scultore. « Ce n'est plus comme avant. C'est moins convivial, cela devient de plus en plus stricte et cela n'avance pas. A mon époque, en l'an 2000, on parlait déjà du fait que cela deviendrait un sport. Mais il y a tant de différences entre l'élite et le petit niveau. Même au niveau mondial, on ne parviendra jamais à faire une véritable élite ».
Scultore n'y croit plus. Cette élite, il la côtoie pourtant dans les allées de Borély, chaque début juillet, avec le rêve secret, issu des profonds souvenirs de son enfance, de s'imposer à nouveau dans la Marseillaise. S'imposer si jeune dans la Marseillaise, ça marque. « J'étais petit, j'avais sept ans la première fois et j'en garde un souvenir incroyable ». Des souvenirs ravivés par sa deuxième victoire en 1998 puis le sacre mondial l'année suivante aux côtés de Ludovic Labrue, Alexandre Ruffo et Nicolas Taviand... N'a-t-il pas un regret de ne pas avoir poursuivi ? « La question ne se pose pas en ces termes. Je vais vous dire clairement, on ne peut pas vivre de la pétanque. C'est une certitude. On ne peut pas partir tous les week-end jouer aux boules en travaillant, en menant une vie de famille. Alors au fil des temps, cela s'est atténué chez moi et l'envie est partie... »
Après avoir arpenté de 16 à 20 ans tous les concours de France et de Navarre, fait 600 kilomètres par week-end pour jouer s'adonner à sa passion, une forme de lassitude s'est installée. « Ce n'est que ça, on grandit aussi. On se consacre moins à sa passion, c'est logique et à force de moins jouer, on joue moins bien et on perd l'envie de jouer par manque de résultats. Et ainsi de suite... ».
Pourtant en regardant l'exemple des Quintais, Foyot et aujourd'hui Rocher, on peut penser que certains arrivent à vivre de leur passion. « Je ne crois pas qu'ils soient beaucoup et si ils arrivent à en vivre, c'est qu'ils ont à côté plusieurs choses. Pour eux c'est une profession. Moi je ne parle que de la pétanque. Vous le savez autant que moi, gagner une Marseillaise, ça coûte plus cher que ce que l'on gagne... Cinq jours avec le repas du midi et le repas du soir, l'hôtel... Gagner une Marseillaise ca coûte plus que de ne pas la faire... C'est juste pour la gloire, le titre tout simplement ».
Et bien notre titre à nous aussi est tout trouvé. - « Merci, Romain et rendez-vous à Borély !»
Propos recueillis par Christophe Casanova